L’art de s’organiser collectivement

Je fais partie d’un groupe Facebook nommé Tout commence, qui a vu le jour en parallèle de l’Appel du 4 mai pour un redémarrage humaniste, local et solidaire.

Créé le 1er mai dernier, le groupe compte aujourd’hui près de 3’500 membres.

J’avoue que pour le moment, j’y suis complètement passive (enfin, j’ai juste rectifié la source d’une vidéo youtube qui y était diffusée, parce que ça m’énerve quand les gens diffusent des choses sans se demander d’où ça vient).

Passive donc, mais j’observe avec passablement d’intérêt ce qui s’y passe.

J’y observe, de mon point de vue, un climat assez tendu. Il arrive régulièrement que des membres du groupe reprochent aux administrateurs de ne pas suffisamment modérer le groupe, déplorent qu’il n’y ait pas de ligne directrice suffisamment claire. Plusieurs personnes ont d’ailleurs, en l’espace de dix jours, annoncé leur départ du groupe en ne s’y retrouvant pas.

Le but de ce groupe est en gros, de réfléchir à comment mettre en place ce redémarrage humaniste – et de relayer des actions 4m2 (explicatif ici).

De mon point de vue, c’est un peu normal que les discussions partent dans tous les sens.

C’est un chantier titanesque de réfléchir à comment ne pas opérer un retour à l’anormal.

C’est un chantier titanesque de réfléchir à comment instaurer, lors du déconfinement, c’est-à-dire dès maintenant, une société plus juste, respectueuse et égalitaire.

Et ceci à près de 3’500 personnes, qui ne se connaissent pas, via une plate-forme virtuelle.

Cela me semble normal que l’on n’ait pas tous le même point de vue sur la question. Et que parfois les idées des autres nous agacent.

Il me semble que c’est justement cette multitude de points de vue qui permettra de dessiner des solutions intéressantes.

L’intelligence collective n’est pas quelque chose avec quoi nous sommes encore très familiers, je crois.

Si nous nous vexons dès que quelqu’un émet une idée qui nous est contraire, c’est dommage.

Si nous nous reposons sur le modérateur du groupe pour qu’il le modère, c’est dommage aussi.

Si nous prétendons vouloir des hiérarchies horizontales, alors assumons-le.

Prenons notre place et donnons notre avis sans attendre que quelqu’un le fasse pour nous.

Comme quoi, ce n’est pas tout simple, de s’organiser collectivement.

Et c’est justement ce que nous devons faire si nous voulons voir émerger un nouveau modèle de société.

Pourquoi se plaint-on du prix du train?

En Suisse, on entend souvent des gens se plaindre du prix du train.

Ou de celui des transports publics en général.

Effectivement, sortir 3860 CHF pour s’offrir un abonnement général, ce n’est pas négligeable.

Mais il faut toujours comparer un coût avec un autre.

C’est ce que je fais en ce moment, car je prépare une nouvelle formation intitulée « Etre écolo sans se ruiner » (titre provisoire).

Plus que d’appeler à ne pas se ruiner, cette formation proposera des pistes pour économiser de l’argent tout en ayant un mode de vie « écologique ».

(Et déconstruira quelques présupposés que l’on peut avoir liés à la figure de l’écolo bobo, qui, effectivement, ne revient pas toujours à une vie bon marché).

Alors pour en revenir à notre mobilité, effectivement, se déplacer en transports en commun « coûte cher ».

Ce qui devient tout relatif quand on compare ce prix avec celui de l’amortissement, de l’utilisation et de l’entretien d’une voiture individuelle.

Selon le TCS, une voiture coûterait de l’ordre de 10’000 CHF par année (pour un véhicule neuf de 35’000 CHF et d’une moyenne de 15’000 km parcourus (soit une quarantaine de km par jour)). Ce calcul tient compte des taxes, assurances, du coût de la vignette et de l’entretien, mais il faut encore y ajouter le coût de l’essence et du stationnement ! (pour + d’informations, c’est ici)

En substance, donc, se débarrasser de sa voiture permettrait ainsi d’économiser jusqu’à 6140 CHF par année, rien que ça… What else?!

Les hauts-le-coeur du tout-Internet

Pendant ces deux mois de confinement, mon rapport à Internet a beaucoup varié : d’une sorte de nécessité absolue au début du confinement pour me sentir en contact avec mes proches, à un fort ras-le-bol après plusieurs semaines, tellement tout a lieu maintenant dans la sphère virtuelle.

Ce week-end, la foire agricole bio de Moudon devait avoir lieu. Elle a lieu quand même, mais en streaming. Et cela m’a attristé. J’y étais allée, il y a deux ou trois ans, sous un soleil radieux. J’avais adoré le lieu, l’ambiance, m’asseoir sur une botte de paille pour écouter un concert improvisé, poser des questions aux agriculteurs, aux viticulteurs et aux horticulteurs, manger une assiette végétarienne à s’en relever la nuit, déguster du vin, flâner entre les stands pour acheter de la tisane d’herbes séchées ou des savons artisanaux, visiter l’exposition de machines agricoles, et juste sentir, sentir l’odeur de la campagne.

Je ne vais pas regarder la foire en streaming. Il y aura sûrement des interventions intéressantes, des analyses sur ce que les producteurs perdent en cette période de vie au ralenti, sur comment ils s’adaptent.

Internet ne permet de diffuser que des paroles, que des idées.

Pas de vie, pas d’odeurs, pas de goût, rien de sensoriel.

La pollution a drastiquement baissé pendant le confinement, mais quel va en être le coût environnemental, de ce streaming à foison ?

Le vivant, par Nancy Huston

Agir pour le vivant est un événement qui se produira cet été à Arles, en marge des Rencontres de la photographie. Le but est de reconsidérer comment nos modes d’habiter peuvent cohabiter avec le Vivant, et ce au travers de débats, d’ateliers de conférences et d’expérimentations…

En amont, Agir pour le vivant tient une chronique régulière dans le journal français Libération, en faisant intervenir des penseurs et des écrivains. Ceux-ci partagent leur point de vue sur la question.

Avant-hier, c’est Nancy Huston qui se prêtait à l’exercice. Une romancière que j’adore, et donc aujourd’hui, j’ai juste envie de vous partager son texte : Vers un grand nettoyage éthique ?

Est-ce que ça bougerait enfin ?

A l’aube du déconfinement, nous nous demandons tous comment nos vies vont reprendre.

Certains se réjouissent, d’autres appréhendent.

Certains veulent juste retrouver leur vie d’avant, sans changement.

Et d’autres veulent en changer une ou deux composantes, après avoir eu le temps de réfléchir au sens ou à la (in)satisfaction générée par leur vie d’avant.

Sur le plan collectif, sans doute que jamais autant de voix ne se sont levées pour lutter contre un retour à la normale (ou à l’anormal…)

Depuis le début du confinement, certaines voix martèlent : « ne retournons pas à la normalité, car c’était justement cela le problème ».

Et maintenant que la reprise de nos activités professionnelles, de loisirs ou de divertissements (enfin, à certaines conditions…) est sur le point de s’enclencher, cette volonté s’illustre concrètement par des mesures et des actions :

Sans doute que nous avons rarement connu un tel moment d’introspection forcée pour remettre en question la société dans laquelle nous vivons.

Est-ce que ces appels suffiront ?

Est-ce que ces intentions louables toucheront plus de gens que les déjà-convaincus ?

Il reste à espérer que cela soit le cas.

Une question de mots

Ce matin, je lisais une interview d’Alain Damasio, un auteur français de science-fiction, qui portait un regard sur la situation que nous vivons actuellement avec le confinement.

Il évoquait notamment certains aspects de « surveillance de masse » qui auraient tout à fait leur place dans un roman dystopique.

Et puis, il évoquait l’importance des mots et de la communication dans le contexte actuel, notamment pour éviter de répandre un climat de peur généralisé.

En étendant cette question du langage aux autres luttes à venir, il répondait ceci :

« Dire ‘décroissance’ est moins riche que de parler de ‘poussée du vivant’, de ‘croissance de nos disponibilités’.

Dire ‘le vivant’ est très différent que de dire ’la nature’ qui signifie déjà la coupure. »

Et de conclure :

« Ça ne porte pas le même imaginaire, ça n’ouvre pas aux mêmes libertés. »

J’ai trouvé ce passage tellement intéressant… De manière générale, je trouve important de réfléchir à la portée des mots, et alors de choisir le bon terme pour exprimer vraiment ce que l’on cherche à partager.

Mais je trouve intéressant de penser à utiliser des termes un peu neufs, peut-être pour leur effet de surprise.

Car il y a des mots qui braquent les esprits, soit parce qu’ils sont mal compris (je pense à décroissance), soit parce qu’ils sont tellement utilisés dans tellement de contextes qu’ils en perdent leur sens initial (je pense à développement durable, par exemple, qu’on a un peu délaissé).

Et vous, quels sont les mots ou les expressions qui délient votre imaginaire ?

Nos grands-parents étaient écolo…

Lorsqu’il y a deux ou trois semaines, j’ai fait de la publicité payante sur Facebook pour promouvoir ma formation « Entamer sa transition écologique à la maison », j’ai dû définir ma cible.

Pour la zone géographique, il m’est apparu intéressant de viser assez large : j’ai donc englobé toute la francophonie. Pour ce qui était de l’âge, je me suis assez longtemps interrogée.

La fourchette basse notamment m’a posé question, mais une chose m’est vite apparue clairement : les personnes âgées n’étaient pas dans ma cible.

Bon, déjà, les personnes âgées ne sont pas très nombreuses sur Facebook.

Mais surtout, à quelques exceptions près, les personnes âgées n’ont pas à apprendre comment rendre leurs comportements plus écologiques.

Parce qu’elles le sont de facto.

Nos grands-parents connaissaient le rythme des saisons.

Nos grands-parents consommaient des produits locaux, parce qu’ils n’avaient pas accès à toutes ces denrées exotiques.

Nos grands-parents passaient leurs vacances à la montagne et ne prenaient pas de vol EasyJet quatre fois dans l’année pour un week-end shopping.

L’élan consumériste et répondant à une logique globalisée que nous connaissons s’est mis en place extrêmement récemment.

Certes, nous nous sommes rapidement habitués à cette pléthore de produits variés et au confort dans lequel nous vivons, mais concrètement…

Les 9/10e (voire plus !) des populations humaines de l’Histoire ont vécu dans des conditions matérielles beaucoup plus précaires que les nôtres.

Et elles ont survécu.

Alors, quand serons-nous prêts à diminuer un tant soit peu notre niveau de vie pour préserver les ressources et limiter l’impact de nos activités ?

Ne pas s’arrêter à un combat

Hier après-midi, j’ai suivi un débat en ligne organisé par la Grève du climat Suisse, faisant intervenir Aurélien Barrau, astrophysicien et professeur à l’Université de Grenoble et Jacques Dubochet, prix Nobel de Chimie et professeur honoraire de l’Université de Lausanne.

A un moment donné, Aurélien Barrau rendait les grévistes pour le climat et leur audience attentifs à « ne pas en rester au combat pour le climat ». En donnant cet exemple : même si les avions ne polluaient pas d’un gramme de CO2, disait-il, le tourisme (de masse) resterait dévastateur pour l’environnement.

Autrement dit, l’écologie est une composante beaucoup plus globale et complexe que de juste « moins polluer » ou de moins consommer de ressources. C’est une vision holistique qui nécessite de prendre en compte l’impact environnemental certes, mais aussi les incidences socio-économiques de nos activités humaines.

C’est le message que j’essaie d’apporter dans la vision d’Envol en Vert, ainsi que dans mes formations.

Dans la dernière formation, qui traite justement de la question du voyage, et de comment voyager « autrement », je vous invite en effet à questionner la nécessité de faire un voyage lointain pour se sentir dépaysé, mais aussi bien sûr à penser aux impacts directs et indirects de notre présence dans un pays qui n’a traditionnellement pas le même mode de production, de consommation ou de gestion des déchets notamment que nos pays occidentaux.

Parce que voyager responsable n’est pas juste de ne pas ou de moins prendre l’avion, c’est aussi de considérer toutes les conséquences de notre activité touristique. Et de considérer le sens même du voyage… Avons-nous toujours besoin d’aller sur place pour voir les choses de nos propres yeux ?

Si le sujet vous intéresse, c’est par ici. (Il y a encore 30% de réduction sur le prix de toutes mes formations pendant le mois de mai!)